Ouvrages
Nourritures d’enfance
Souvenirs aigres-doux
Blanche et onctueuse purée, clafoutis bien-aimé, abjectes cervelles, épinards répugnants, terrifiantes blanquettes… Quelle langue d’avant les mots parlent nos nourritures d’enfance pour que, bien des années plus tard, saisis par le souvenir, nous retrouvions intacts en nous la précision de l’image, le vif des sentiments, le tumulte du coeur, toutes les saveurs ? De quels signes silencieux et secrets se parent les aliments de notre enfance pour que s’y trouvent associés dans notre mémoire la joie ou la souffrance, le goût ou le dégoût, la nostalgie ou le rejet ?
Souvenirs heureux entraînant avec eux l’effluve du chocolat chaud, le doré d’un gâteau. Mémoire aussi de la première fracture : toute nourriture d’enfance porte en elle l’amertume d’une séparation, la trace d’un désenchantement. Le premier aliment est celui de l’absolu brisé. Des éclats rassemblés dépend la langue à venir.
Mais c’est d’amour dont parlent les nourritures d’enfance, même si les voies empruntées pour le dire résonnent parfois sous les mots d’une étrange façon.