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Animal, végétal, végétarisme

Le point sur la conférence LeCHE

Publié le 24/02/2014

Le 30 janvier 2014 s’est tenue une conférence de presse de présentation des résultats de LeCHE (Lactase Persistence in the early Cultural History of Europe), programme de recherche européen, CNRS et MNHN, en présence des chercheurs français du projet.

Ce projet de recherche européen (7ème PCRD – projet marie Curie) financé en 2009 à hauteur de 3,3 millions d’euros par la Commission Européenne a réuni pour 4 ans 15 équipes de recherches issues de 7 pays européens autour de la persistance de la lactase en relation à l’histoire ancienne des populations européennes.

La contribution de la France au projet LeCHE a été coordonnée par Jean-Denis Vigne et le laboratoire « Archéozoologie, archéobotanique » du CNRS et du Muséum national d’Histoire naturelle. L’Ocha était un des partenaires de ce projet.

LeCHE visait à explorer l’origine et l’impact de l’économie laitière en Europe en interrogeant l’histoire ancienne et en mobilisant plusieurs disciplines : archéozoologie, archéologie, génétique animale et humaine.

LeCHE a fait appel aux plus récentes techniques de la biogéochimie et de la génétique humaine et animale pour identifier des marqueurs spécifiques qui, appliqués à l’analyse des restes archéologiques, permettent de détecter l’exploitation laitière et de préciser sa nature et son importance à travers le temps.

L'introduction de Jean-Denis Vigne
5 vidéos pour mieux comprendre les résultats de LeCHE

Même si tous les résultats de ce vaste projet ne sont pas encore publiés, il était temps, plus de 12 mois après son achèvement, de faire le point sur les principaux acquis.

Les résultats de LECHE concernent en premier lieu la construction d’une communauté de jeunes chercheurs de très haut niveau, qui contribueront à l’Europe scientifique de demain. Chaque étudiant-chercheur recruté dans ce cadre a géré son propre projet de recherche. Mais il a aussi participé à la réflexion et au travail collectif à travers un programme précis d’activités collaboratives, incluant un ensemble complexe d’outils de communication du web 2.0, des écoles d’été, et des colloques internationaux (dont celui de l’ICAZ, organisé au Muséum national d’Histoire naturelle, en août 2010). Les étudiants-chercheurs ont également conçu, écris et édité tous ensemble un ouvrage collectif en anglais relatant leurs recherches collaboratives : LeCHE book “MAY CONTAIN TRACES OF MILK” – Investigating the role of dairy farming and milk consumption in the European Neolithic (220 pages) publié par l’Université de York.

Les étudiants-chercheurs ont participé à l’organisation de la conférence finale du projet, en 2012, à Amsterdam. Ils continuent, au-delà du cadre contractuel, à publier les résultats de leurs travaux dans les meilleures revues scientifiques internationales.

Les résultats scientifiques de LECHE sont d’ores et déjà de nature à modifier un certain nombre de nos conceptions :

– Les capacités de produire du lait et de le consommer font partie du bagage des hommes du Néolithique dès avant leur arrivée en Europe, il y a 9000 ans

– Dans certaines régions comme l’actuelle Pologne, les premiers néolithiques transformaient déjà le lait en fromage

– Dès le début du Néolithique, on observe une régionalisation des pratiques laitières : ici, on fonde la production sur les bovins, là, sur les ovins ; la consommation de lait ou de ses dérivés fermentés varie fortement d’une région à l’autre

– Cette régionalisation, encore imparfaitement décrite, a sans doute contribué à des différenciations importantes dans la distribution de l’allèle de la Lactase persistance.

Les résultats de LECHE ne permettent pas encore de répondre de façon simple à la question de l’émergence de la capacité de certaines populations humaines européennes à continuer à produire de la lactase à l’âge adulte. Mais ils permettent de la poser en des termes nouveaux : où, quand, et pourquoi a-t-on privilégié la consommation du lait liquide sur celle des produits dérivés du lait, au point que le gène de la lactase ait été sélectionné de façon aussi forte ?

Ainsi, LeCHE donne naissance à NeoMILK :

La régionalisation des pratiques laitières et de la consommation de lait, ou de fromages, ou laits fermentés (dans ces deux derniers cas le lactose est donc dégradé), est donc une clef de compréhension de la génétique humaine. Il faut maintenant réunir de plus nombreuses données afin d’être en mesure de mieux décrire ces variations régionales.

C’est ce que trois des anciens partenaires de LeCHE ont décidé de faire dans le cadre du projet NeoMILK, financé par le Conseil de la Recherche Européenne (ERC), en concentrant leurs efforts sur le Néolithique le plus ancien d’Europe centrale (Culture Rubanée, ou LBK ; 5500-4500 av. JC ; Hongrie, République tchèque, Autriche, Allemagne, Pologne, France) :

– Le laboratoire « Archéozoologie et archéobotanique » du CNRS / Muséum s’efforcera, sous la direction du Dr Jean-Denis Vigne, de cartographier la diversité des systèmes d’élevage et d’identifier les différentes régions où l’exploitation laitière a pu jouer un grand rôle dans l’économie néolithique rubanée.

– Le département de biogéochimie de l’Université de Bristol (Angleterre) qui coordonne l’ensemble du projet sous la responsabilité du Pr Richard Evershed, cartographie, de son côté, les pratiques de traitement du lait, et cherche à identifier les régions où il aurait été consommé principalement sous forme liquide (sans transformation en produits fermentés).

– L’University Collège de Londres, sous la direction du Pr Mark Thomas, contribue à cartographier et à modéliser ces données afin de tester les scénarios historiques qui pourraient expliquer la prévalence du gène de la lactase dans les pays d’Europe du nord.

Ils ont depuis associés leurs forces à deux nouveaux partenaires : le département d’archéologie de l’Université d’Exeter (Angleterre), représenté par le Pr Alan Outram, et l’Institut de préhistoire de l’Université de Poznan (Pologne), mené par le Pr Arkadius Marciniak. Ces deux équipes contribueront à aborder de façon plus générale la question du traitement des animaux d’élevage et de leur exploitation symbolique et économique durant le Rubané.

NeoMILK a débuté à l’automne 2013. Il s’appuie sur des jeunes chercheurs formés dans le cadre de LeCHE et est porteur de nombreux espoirs concernant cette importante question de l’histoire de la consommation laitière en Europe.

Pour en savoir plus :

Communiqué de synthèse de la conférence
Les résultats de leCHE
Les “hommes préhistoriques” : qui sont-ils ? Et comment connaître leur alimentation ?
Liste des partenaires

Annexes :
– 1 : Les grandes caractéristiques de la domestication animale
– 2 : L’origine des bovidés domestiques de l’ancien monde
– 3 : Les débuts néolithiques de la domestication en Europe