Événements
Manger en ville : Une défiance durable ? / Eating in the City : Sustainable distrust?
Date
Le 06 December 2017
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Dans de nombreux pays, la question de la confiance et de la défiance a pris récemment une acuité considérable : on note un déclin sinon un effondrement de la confiance consentie au politique et à l’Etat, à la presse et aux media, aux institutions en général, aux grandes entreprises et à leurs marques. Or en matière d’alimentation, la méfiance est ancienne et même inhérente à la condition d’omnivore. En outre, diverses crises de sécurité sanitaire, depuis les années soixante-dix, se sont succédé, aggravant cette méfiance primordiale et aggravées par elle, au point de la transformer en défiance. La charge de la preuve est comme inversée : il convient de se méfier a priori, jusqu’à preuve du contraire.
Dans la perception des consommateurs, les produits alimentaires transformés par l’industrie et issus de la production agricole dite intensive ont de plus en plus mauvaise presse. Ils sont réputés sans goût et moins sains. La nocivité de certain ingrédients et additifs est dénoncée. Des acteurs industriels sont accusés de tromperie et le marketing de manipulation. L’agriculture intensive et l’alimentation de masse sont pointées comme responsables d’une perte de sens du manger. Mais dans le contexte récent, d’autres dimensions se sont ajoutées à ces perceptions, aggravant à l’extrême les tensions de notre rapport au manger tout entier. C’est d’abord la montée des périls écologiques : pollutions, climat, atteintes à la biodiversité, épuisement des ressources, bactéries multi-résistantes, etc. C’est aussi la question du rapport homme-animal, dont l’émergence en France est plus tardive qu’ailleurs mais d’autant plus aiguë. Peut-il y avoir une alimentation durable avec une telle tendance à la défiance ?
Ces turbulences sont particulièrement conductrices d’émotions. Peur, colère, dégoût constituent un terreau favorable à la formation et à la propagation de thèses et de croyances prenant la forme de rumeurs, de légendes urbaines ou de théories plus ou moins controversées sinon « alternatives ». Aujourd’hui circulent de plus en plus largement des récits mettant en cause des aliments familiers. Les craintes et accusations prennent, dans leurs manifestations les plus radicales, un tour de plus en plus clairement politique. La mise en cause de « Big Food » établit très naturellement des passerelles avec celle de « Big Pharm », la suspicion des aliments avec celle des vaccins et de la médecine. Une première lecture insiste sur les liens entre cette dénonciation des « gros » et les discours anticapitalistes et/ou populistes, aussi bien « mainstream » qu’alternatifs et/ou complotistes. Une autre lecture considère les effets des critiques, qu’elles proviennent des marges ou des institutions plus installées, dans l’évolution du système dominant, et s’intéresse à la redistribution des pouvoirs qui accompagne la défiance et sa gestion. Les réseaux sociaux favorisent-ils la création de « bulles cognitives » où l’entre soi reconstruit de la confiance et amplifie la défiance vis-à-vis de ce qui est externe ? Une troisième lecture s’intéresse à la manière dont les grands acteurs économiques écoutent, recyclent et répondent à la défiance, tout comme le capitalisme « digère » ses critiques.
Ainsi, la défiance du mangeur reflète et nourrit à la fois la défiance du citoyen. Elle en est en même temps la métaphore et la métonymie. La défiance ronge et dévore le mangeur, le citoyen et la société, tandis que le mangeur, plus ou moins contraint et forcé, la dévore à son tour.
La journée du 6 décembre sera ouverte à tout public, sur inscription. Elle se déroulera en deux temps : le matin sera présentée une synthèse des deux journées de la veille avec des présentations sur la façon dont la défiance se manifeste dans les pays nouvellement industrialisés. L’après-midi ouvrira la discussion, de la nutrition au politique, du symbolique à l’écologique, et proposera une première approche interdisciplinaire de cette dévorante défiance.
Ce symposium est organisé par la Chaire Unesco Alimentations du monde de Montpellier SupAgro et du Cirad, l’UMR Moisa, l’Observatoire CNIEL des Habitudes Alimentaires (OCHA), le Centre Edgar Morin de l’Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain (IIAC).
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Contact : mangerenville@cirad.fr
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Globally, questions of confidence and distrust have recently gained particular urgency: we have witnessed a decline or even collapse of confidence in politics and the state, the press and media, in institutions in general, and in big businesses and their brands. Yet, in food and eating, mistrust is longstanding, even inherent to the condition of the omnivore. Furthermore, since the 1970s, a series of food safety crises have exacerbated this primordial mistrust and intensified it, to the point that it becomes a generalized state of distrust. The burden of proof is inversed: one should be suspicious in principle, until there is proof otherwise.
From the consumer’s perspective, food products that have been industrially transformed and are the result of so-called, “intensive” agriculture have increasingly been subject to bad press. They are reputed to lack flavor and nutritive value, deficient in vitamins and micro-nutrients. Certain ingredients and additives have been denounced as harmful. The food industry has been accused of fraud and advertising charged with manipulation. Intensive agriculture and processed foods have been charged with having caused a destructive homogenization of food and eating practices. But in the recent context, new dimensions have been added to these perceptions, intensifying the tensions surrounding our entire relationship to food and eating to an extreme. This was first manifest in ecological perils: pollution, climate change, damage to biodiversity, exhaustion of resources, drug-resistant bacteria, etc. It is also, and especially, a question of the relationship between humans and animals, the emergence of which was later in France than elsewhere, but that much more intense. Can there be sustainable food systems with such an increasing distrust?
This turbulence excites emotions. Fear, anger, and disgust create a terrain ripe for the creation and spread of hypotheses and beliefs that take the form of rumors, urban legends and theories more or less controversial or “alternative.” Today, stories regularly circulate that place blame on familiar foods. Fear and accusations, in their most radical manifestations, take on clearly political manifestations. Suspicion of “Big Food” creates natural links with “Big Pharma,” the suspicion of food with that of vaccines and the medical establishment. One interpretation treats these critiques of all that is “big” as driven by anticapitalist or populist discourses, be they “mainstream,” or “alternative.” Another reading would be to consider the effects of these critiques, be they from the margins or more established institutions, on the evolution of the dominant food system, examining the redistribution of power that accompanies this disapproval and its management. A third perspective might focus on the ways that powerful economic actors listen, recycle, and respond to distrust, as capitalism “digests” its critics.
As such, the distrust of the eater reflects and feeds the distrust of the citizen. It is at once metaphor and metonymy. Distrust gnaws at and consumes eaters, citizens, and society. Individuals, who have to eat, even
in the face of consequential constraints, must, in turn, consume distrust.
This third day of the symposium is open to the public, registration required. It will be divided into two parts: the morning will include a summary of the findings of two previous days and presentations exploring the ways distrust manifests itself in recently industrialised countries. In the afternoon, the discussion will expand to questions of nutrition, politics, and the environment, in an effort to present an interdisciplinary approach to this consuming distrust.
This symposium is organised by the Unesco Chair on World Food Systems at Montpellier SupAgro, the Cirad, Moisa joint research unit, the CNIEL Observatory of Eating Habits (OCHA) and the Edgar Morin Center at the ‘Interdisciplinary Institute of Contemporary Anthropology (IIAC).
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