Ouvrages
Vols de vaches à Christol Cave. Histoire critique d’une image rupestre d’Afrique du Sud
C’est une peinture rupestre cachée dans un abri rocheux d’Afrique du Sud. À notre gauche, les assaillants, qui s’enfuient après leur forfait; à notre droite, les victimes, qui, passé la panique des premiers instants, se sont ressaisies et poursuivent leurs agresseurs en brandissant lances et boucliers. L’affaire paraît élémentaire : des chasseurs-cueilleurs bushmen viennent de fondre sur un village d’agriculteurs bantous et ont volé leurs vaches. Mais voici qu’à la fin du XIXe siècle, un deuxième vol est commis, cette fois sur la peinture elle-même: Frédéric Christol, missionnaire protestant français, l’un des premiers à avoir posé son regard sur l’oeuvre, s’emploie à y prélever des blocs avec des figures de vaches pour les envoyer à des musées européens et attester ainsi de la présence d’un art pariétal à l’autre bout du monde. Depuis sa découverte il y a un siècle et demi, cette fameuse peinture de “Christol Cave” a fasciné experts en art rupestre, ethnologues et préhistoriens. Tous y ont lu un témoignage si accablant contre les “Bushmen”, les derniers chasseurs-cueilleurs de cette partie du monde, que l’image en est venue à incarner le “choc” entre chasseurs de la préhistoire et agriculteurs des premières civilisations. Et pourtant, est-ce bien un “vol de vaches” que l’on voit à l’image ? Les commentateurs successifs n’ont-ils pas vu seulement ce que leur raison voulait voir ? L’enquête est à refaire. Mais est-il possible de reconstituer le document d’origine, la pièce essentielle du dossier, malgré les nombreuses déprédations que la peinture a subies ? A l’aide de nombreux documents d’archives et en mobilisant les techniques scientifiques les plus performantes, les auteurs parviennent à redonner vie à l’image presque disparue. Jusqu’à certains détails qui n’avaient jamais été vus ou compris… Et si les voleurs n’étaient pas ceux que l’on croit ? Pour la première fois, une image rupestre est ici considérée comme un document d’histoire sur la société qui l’a créée mais aussi sur celles qui l’ont interprétée.
Biographie des auteurs
Jean-Loïc Le Quellec est directeur de recherche au CNRS et chercheur à l’Institut français d’Afrique du Sud à Johannesburg puis au Centre d’études des mondes africains (CEMAf). Ethnologue, anthropologue, spécialiste de la préhistoire et des arts rupestres de l’Afrique, plus particulièrement du Sahara, il a réalisé de nombreux travaux sur l’art rupestre du Sahara et de l’Afrique australe. II préside l’association des Amis de l’art rupestre saharien (AARS) et codirige la mission franco-algérienne d’analyse et de datation des images rupestres du Tassili, de l’Ahaggar et de l’Atlas. II a publié de nombreux travaux construits sur une approche à la fois historique, archéologique et mythologique des images rupestres, dont dernièrement Arts rupestres et mythologies en Afrique (Flammarion, 2004, trad. anglaise : Rock art in Africa: Mythology and Legend, 2004) et, avec Pauline et Philippe de Flers, Du Sahara au Nil. Peintures et gravures d’avant les Pharaons (Soleb-Fayard, Collection d’Egyptologie du Collège de France, 2005).
François-Xavier Fauvelle-Aymar est directeur de recherche au CNRS (laboratoire TRACES, Toulouse) et Honorary Research Fellow au GAES (Université du Witwatersrand, Johannesburg, Afrique du Sud). Historien de l’Afrique, s’intéressant tout particulièrement à la formation des sociétés d’Afrique australe au travers de l’archéologie et des sources documentaires, il a notamment publié L’invention du Hottentot (Publications de la Sorbonne, 2002), Histoire de l’Afrique du Sud (Le Seuil, 2006), La Mémoire aux enchères. L’idéologie afrocentriste à l’assaut de l’histoire (Verdier, 2009).
François Bon est maître de conférences en archéologie préhistorique à l’université Toulouse II-Le Mirail (laboratoire TRACES). Spécialiste des premières sociétés de l’homme moderne en Europe de l’Ouest, il mène depuis quelques années des études comparatives en Afrique, en collaboration avec François-Xavier Fauvelle-Aymar. Responsable d’opérations archéologiques en France et en Ethiopie, il est l’auteur de plusieurs contributions sur le Paléolithique supérieur européen, la préhistoire d’Afrique australe et orientale ainsi que l’histoire de la préhistoire. Il a notamment publié L’Aurignacien entre Mer et Océan. Réflexion sur l’unité des phases anciennes de l’Aurignacien dans le sud de la France (Mémoire de la Société préhistorique française, XXIX, 2002) et Préhistoire. La fabrique de l’homme (Le Seuil, 2009).
Sommaire
- D’UNE BATAILLE QUI EUT LIEU MAINTES FOIS ET D’UNE IMAGE QUI LES ILLUSTRE TOUTES
- L’IMAGE ET SON CADRE
- VACHES DEVANT PAYSAGE COLONIAL
- NOEUD DE FRONTIERES OU L’ON RETROUVE, SUR UNE PLUS VIEILLE FRONTIERE, LA POSSIBILITE D’UNE ANCIENNE RENCONTRE, QUI PEUT AVOIR ETE CONFLICTUELLE
- L’INVENTION D’UNE IMAGE : SAVANTS ET MISSIONNAIRES AU SUD DE L’AFRIQUE
- OU D’AUTRES, A LEUR TOUR, SE METTENT A VOLER DES VACHES
- POUR UNE HISTOIRE DE LA PAROI, OU LE PALIMPSESTE OUBLIE
- DU PRINCIPE DE LA BANDE DESSINEE APPLIQUE A L’ART RUPESTRE ET DU FAUX SOUVENIR D’ENFANCE D’UN GRAND PREHISTORIEN
- L’IMAGE, TELLE QU’ENFIN