Texte
En mémoire de Jean-Louis Flandrin
"Le désir et le goût, une autre histoire", tel était le thème d’un colloque international passionnant organisé, à la mémoire de Jean-Louis Flandrin, par l’Université Paris 8 et l’Institut européen d’histoire de l’alimentation les 26, 27 et 28 septembre 2003. Une publication est prévue début 2005. En attendant, vous pouvez lire un compte rendu du colloque, malheureusement partiel, puisque je n’ai pas pu assister à toutes les conférences.
L’Ocha ne pouvait que s’associer à cette manifestation et remercie le Comité d’organisation du Colloque d’avoir fait appel à quelques uns des amis et collègues de Jean-Louis Flandrin pour lui rendre hommage dans ce site. L’Ocha remercie en particulier Odile Redon, qui a réuni ces textes et aussi extrait pour nous de son album personnel quelques photos de Jean-Louis Flandrin, ainsi que Guy Briot.
Jean-Louis Flandrin était membre de notre Comité scientifique depuis la création de l’Ocha. Je me souviens de lui, plutôt réservé en parole dans nos réunions, mais ce qu’il pensait s’exprimait si bien à travers son regard malicieux. Une malice bienveillante mais malice quand même ! Début 2001, peu de temps avant la mise en ligne de ce site, il était déjà très souffrant, nous le voyions déjà si affaibli, que nous aurions compris qu’il déclare forfait pour divers textes qu’il avait proposé d’écrire. Mais il avait beaucoup de courage et de discrétion et un grand sens de la fidélité qui forçaient le respect et il a tenu à remplir ses engagements : la séance photo des membres du comité et la livraison à temps les textes que vous pouvez lire dans ce site.
Pour lire les textes de Jean-Louis Flandrin dans le site de l’Ocha :
"Histoire du goût" : cliquez ici
"Alimentation et médecine" : cliquez ici
"Alimentation et christianisme" : cliquez ici
Pour consulter la bio-bibliographie de Jean-Louis Flandrin : cliquez ici
Pour en savoir plus :
Compte-rendu du Colloque "Le désir et le goût, une autre histoire" : cliquez ici
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Il faut aussi évoquer De Honesta Voluptate, la Société des amis de Jean-Louis Flandrin, qui a rassemblé sous le titre "Repères pour une vie d’historien", des articles de presse, des témoignages et le texte d’un long entretien télévisé avec Jean-Louis Flandrin réalisé en décembre 2000.
Jacky Gélis y évoque le "Flandrin premier cru" qui, à travers l’histoire de l’enfant, de la famille, de la sexualité, de l’autorité des pères, des naissances illégitimes, s’affirme comme un historien de son temps, sensible aux questions que se posent la société et les hommes de son époque. Son premier ouvrage, L’Eglise et le contrôle des naissances, paraît en 1970 : peu de temps après les évènements de 1968, de la parution de l’encyclique Humanae Vitae (1969), c’était aussi la grande époque du planning familial.
Bruno Laurioux y raconte ses premières impressions du séminaire de Jean-Louis Flandrin à l’EHESS, un séminaire qu’il venait juste d’ouvrir et qu’il tînt jusqu’à la fin. Son intitulé – "L’analyse historique des sensibilités et des comportements" – ne disait pas qu’il y serait question autant de l’alimentation que de la sexualité et de la famille. Pourtant, écrit Bruno Laurioux, "il avait déjà jeté les bases de ce qui allait constituer sa préoccupation scientifique majeure dans les deux décennies à venir : la diversité des goûts et des pratiques alimentaires – et ceci sur une longue durée menant du Moyen Age au XVIIIè siècle. Il ouvrait par là une voie toute nouvelle pour l’histoire de l’alimentation qui, depuis les années cinquante, s’était épuisée dans les calculs de rations et enlisée dans l’approche exclusivement quantitative."
Ce séminaire se terminait obligatoirement par un repas, le choix du restaurant faisant l’objet d’âpres tractations. C’est ce soir là – c’était en 1981- que, après avoir subi le dépeçage en règle de ses propos, Bruno Laurioux découvrit la "bande à Flandrin" en allant dîner avec les autres membres du séminaire, qui tous partageaient la passion gourmande et l’érudition de leur mentor.
Dans l’entretien filmé réalisé par De Honesta Voluptate, Jean Louis Flandrin, interrogé par Georges Carantino, raconte comment c’est au cours d’un séjour aux Etats-Unis, à Princeton, que l’idée de passer de l’histoire de la famille à l’histoire du goût lui est venue. "Parce que, d’un côté, elle [l’Amérique] me disait qu’on commençait à avoir pas mal travaillé sur l’histoire de la sexualité, et d’un autre côté elle me disait qu’il fallait travailler sur l’histoire de l’alimentation ; parce que c’est un peu angoissant d’être dans un pays où tout le monde pense qu’on mange simplement pour ne pas mourir de faim, pour des raisons purement biologiques. Je n’avais jamais réfléchi à la question mais, face à l’attitude américaine, je me suis dit : "et bien non, on ne mange pas seulement pour des raisons biologiques, on mange pour d’autres raisons". Et j’ai commencé à partir là dessus."
Maggy Bieulac-Scott
Responsable de l’Ocha